lundi 23 avril 2018

UN FAUTEUIL SUR LA SEINE : FRANÇOIS DE CALLIÈRES







MON ACADÉMICIEN FRANÇAIS PRÉFÉRÉ :

FRANÇOIS DE CALLIÈRES  (corrigé sur la feuille d'autocorrection)


Parmi les académiciens dont Amin Maalouf nous parle, il y en a un que j'ai trouvé particulièrement intéressant. Plus précisément François de Callières, sieur de Rochelay et de Gigny, qui était académicien, diplomate et écrivain à l'époque de Louis XIV et de la Régence. Ce que je trouve le plus remarquable est sa vision de la politique, plus proche des principes de l'Europe communautaire d'aujourd'hui  que de ceux du temps de Louis XIV et d'un féru Louis XV. (1)

Il est prouvé que Callières était un homme sans arrogance, mais aussi sans hésitasions, qui malgré sa prudence, se présentait toujours d'une façon très transparente. À cette égard, le duc de Saint-Simon le jugait comme un bon homme, extrêmement sage et sensé, qui ne craignait de déplaire au roi ni aux ministres pour dire la vérité et ce qu'il pensait, et qui les faisait très souvent revenir à son avis. (2)
À l'âge de vingt deux ans, Callières était chargé d'une première mission diplomatique, visant ètablier le duc de Longueville sur le trône de Pologne. L'experience serait tout un défi pour le jeune Callière, puisque le duc de Longueville serait tué en 1672, en passant le Rhin. Après, il mènait d'autres missions pour les souverains européens. En 1688, il publiait un panégyrique du roi, qui lui vaudra d'être admis à l' Académie française.

Mais son oeuvre plus étonnante pour l'époque était, sans doute, „De la manière de négocier avec les souverains“, publiée l'an 1716, exactement un an avant sa mort. À ce temps-là, la Régence avait été instaurée temporairement à cause du trop jeune âge de Louis XV, heritier du Roi-Soleil. Cette periode-là était marquée par les excès, le gaspillage et la manque de connexion de la royauté avec la réalité politique, sociale et économique du peuple. Donc, ce faisant, c'est surprenant la prudence d'un Callière qui conseille au lieu de faire face; qui recommende persuader au lieu de pousser à employer les armes :
Tout prince chrétien doit avoir pour maxime principale de n'employer les armes pour soutenir et faire valoir ses droits, qu'après avoir tenté et épuisé celle de la raison et de la persuasion, et il est de son intérêt d'y joindre encore celle des biens-faits qui est le plus sûr de tous les moyens pour affermir et pour augmenter sa puissance; mais il faut qu'il se serve de bons ouvriers qui sachent les mettre en oeuvre pour lui gagner les en coeurs et les volontez des hommes, et c'est en cela principalment que consiste la science de la négociation.“  (3)
La politique de Callière était en avance sur son temps. Même l'économist John Kenneth Galbraith a reconnu que tout ce dont la négociation internationale a besoin avait déjà été écrit dans l'oeuvre „De la manière de négocier avec les souverains“.
En résumant, par rapport à son goût pour la prudence, l'attentive écoute comme besoin indispensable pour donner une réponse juste (4) et sans fourberie (5) ,et la défense de la médiation pour procurer la paix des nations (6), je trouve la thèse de Callière pas seulement convaincant, mais aussi exemplaire pour nos hommes et femmes politiques d'aujourd'hui.
(1)François de Callières, „De la manière de négotier avec des rois et des souveraines“ : „Our bien connoître de quelle utilité peuvent être les negociations, il faut considerer que tous les Etats dont l’Europe est composée, ont entr’eux des liaisons & des commerces necessaires qui font qu’on peut les regarder comme des membres d’une même Republique, & qu’il ne peut presque point arriver de changement considerable en quelques-uns de ses membres qui ne soit capable de troubler le repos de tous les autres»
(2)Amin Maalouf, «Un Fauteuil sur la Seine», page 59.
(3)François de Callières, «De la manière de négotier avec des rois et des souveraines», chapitre 1, Pages 2-3, édition 1716.
(4) François de Callières, «De la manière de négotier avec des rois et des souveraines», Page 162 : «L’une des qualitez la plus necessaire a un bon negociateur est de savoir ecouter avec attention & avec réflécion tout ce qu’on lui veut dire, & de répondre juste & bien à propos aux choses qu’on lui represente, bien-loin de s’empresser à declarer tout ce qu’il sait é tout ce qu’il desire».
(5)François de Callières, «De la manière de négotier avec des rois et des souveraines», Page 168 : «Un habile Negociateur doit encore éviter avec soin la sotte vanité de vouloir se faire croire un homme fin & adroit pour ne pas jetter de la défiance dans l’esprit de ceux avec qui il negocie, il doit au contraire travailler à les convaincre de sa sincerité, de sa bonne-foi & de la droiture de ses intentions, pour faire concourir les interêts dont il est chargé avec ceux du Prince ou de l’Etat, auprès duquel il se trouve comme le veritable & solide but, auquel doivent tendre toutes ses negociations».
(6)François de Callières, «De la manière de négotier avec des rois et des souveraines» : «Il est encore de l’intérêt d’un grand Prince, d’employer des négociateurs à offrir sa médiation dans les démêlez qui arrivent entre les souverains, & à leur procurer la paix par l’autorité de son entremise, rien n’est plus propre à étendre la réputation de sa puissance, & à la faire respecter de toutes les Nations.

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